Comme chaque année, je vous propose une version révisée de mon panorama des médias sociaux. Publié pour la première fois en 2008, vous conviendrez que ce schéma à quand même beaucoup évolué : il a été à la fois simplifié (16 catégories en 2009, 7 en 2011, 6 en 2012 et finalement 4 en 2013 ) et densifié (plus de services par catégorie), preuve de l’évolution du marché vers une configuration plus mûre.
Évolution du panorama des médias sociauxLa très large majorité des services présents sur ce schéma étaient déjà là l’année dernière. Les changements ne sont pas donc à chercher du côté de nouveaux acteurs, mais plutôt de la taille de ces acteurs et la façon dont les internautes s’en servent.
Bienvenu dans le web social (et mobile) (et mondial)
Quand j’ai créé la première version de ce panorama, les médias sociaux étaient considérés comme une catégorie à part, un sous ensemble du web. Aujourd’hui les choses sont différentes, car les médias sociaux sont omniprésents : quasiment tous les sites web sont maintenant reliés aux grandes plateformes sociales, et les plateformes sociales recyclent les contenus des plus grands sites web. Certes, il y a toujours cette notion de walled garden (environnement fermé), mais les internautes n’y prêtes pas attention : pour eux, il n’y a qu’un seul web et les médias sociaux en sont le moteur.
L’autre grand changement de l’année 2014 est la prise de conscience des terminaux mobiles. L’internet mobile a été introduit auprès du grand public au début des années 2000, avec un succès très mitigé. Depuis, l’iPhone a complètement chamboulé le marché, et nous vivons maintenant dans un monde mobile. Non pas que les terminaux mobiles ont remplacé les ordinateurs (ça ne sera jamais le cas), mais que les smartphones prennent une place toujours plus importante dans le quotidien des consommateurs : ils permettent de “meubler” les moments de la journée où les internautes ne sont pas devant un ordinateur, et donnent accès à une infinité de contenus et services en ligne (Les smartphones sont notre premier écran, adaptez vos budgets et campagnes en conséquence). Les smartphones sont maintenant le premier outil de communication, pas étonnant que Facebook ai déboursé près de 19 MM$ pour racheter WhatsApp.
La formidable popularité des applications mobiles de communication a également fait prendre conscience au monde occidental que le marché asiatique est incroyablement dynamique et que les acteurs du web chinois ou japonais bénéficient de moyens considérables (Les applications mobiles font de l’ombre aux grandes plateformes sociales). De façon assez paradoxale, les smartphones sont la porte d’entrée du web local (à travers la fonction de géolocalisation) et du web mondial, notamment grâce à cette nouvelle génération d’applications de communication. Voilà pourquoi la version 2014 du schéma a cette dimension internationale. Il existe des schémas équivalents pour certaines régions du monde (cf. CIC 2014 China Social Media Landscape), mais cela ne donne qu’une vue parcellaire.
Le panorama des médias sociaux 2014
Dans cette édition 2014, vous remarquerez deux grands changements :
- Des usages qui ne sont plus cycliques, mais linéaires (les utilisateurs publient ou partagent pour générer des conversations et éventuellement rencontrer de nouvelles personnes, mais ce n’est plus vraiment un cercle vertueux, car les publications ou partage se font maintenant en mode “public”) ;
- Une prise de recul avec l’intégration d’acteurs plus traditionnels en provenance des médias, du commerce, des services… et qui investissent dans les médias sociaux pour y trouver de nouveaux relais de croissance. Ces grands acteurs proviennent du monde des médias (AOL, Yahoo!, GlamMedia, Webedia), du commerce (Amazon, Alibaba, Rakuten) ou de la technologie (Google et Tencent). La plupart du temps, ils investissent d’ailleurs sur tous ces secteurs (merci à Stéphane et Cédric pour leur avis sur cette question).
Tout ceci nous donne un schéma un peu plus complexe, mais qui reflète mieux la réalité du marché et les acteurs de l’ombre :
La version 2014 du panorama des médias sociauxAu centre du schéma, nous retrouvons les trois plateformes sociales dominantes :
- Facebook, LA plateforme sociale de référence, la plus importante, mais également la plus complexe, car la compétition y est la plus féroce. Cette position dominante permet à Facebook d’imposer ses propres règles et complique la tâche des annonceurs. Du coup, cela peut remettre en cause des principes que l’on pensait acquis (Il est plus rentable de créer des conversations chez vous que sur Facebook, Faut-il continuer à être présent sur Facebook via une page ?). Mais ça n’empêche pas son patron de continuer à faire évoluer sa plateforme pour mieux coller aux habitudes des utilisateurs (Facebook essaye d’éviter le syndrome du portail en multipliant les applications mobiles).
- Twitter, le grand rival qui refuse d’être considéré comme le Raymond Poulidor des médias sociaux et accélère sa transformation (Twitter affine son offre publicitaire et se prépare pour le commerce et De la transformation de Facebook et Twitter en médias payants). Twitter est peut-être quatre fois plus petit que Facebook par la taille de son audience, mais cette plateforme sociale reste la préférée des personnalités (hommes et femmes politiques, journalistes, artistes, sportifs…), ce qui lui donne une très forte résonance.
- Google+, la couche sociale de Google qui n’a cessé de progresser au cours de ces deux dernières années (nouvelle mise en page, communautés, nouvelles offres publicitaires…). Considéré avec dédain par ceux qui ne prennent pas le temps de s’y intéresser, Google+ bénéficie de la formidable audience des différents services de Google. Dernièrement la plateforme a subi une mauvaise presse à cause du départ de son patron, mais de toute façon, Google ne suit pas la même logique que ces deux concurrents (Google+ est mort, vive Universal Analytics).
Ces trois plateformes sont positionnées au centre du schéma, car elles offrent un ensemble de fonctionnalités permettant de couvrir quasiment tous les usages “sociaux”. Dernièrement, elles ont commencé à subir la concurrence d’applications mobiles offrant également des fonctionnalités de publication, partage, conversation… Cette nouvelle vague d’applications mobiles se scinde en deux groupes en fonction de leur provenance géographique : les applications nord-américaines (WhatsApp, SnapChat, Tango) et les asiatiques (WeChat, Line et KakaoTalk). En seulement quelques années, ces applications ont réussi à convertir des centaines de millions d’utilisateurs (plus de 500 M pour WhatsApp, WeChat et Line), un record ! Cette formidable popularité a d’ailleurs attiré les investisseurs et nous avons assisté à une vague de rachats et d’investissements (WhatsApp par Facebook, Tango par Alibaba, Viber par Rakuten…). Il existe un grand nombre d’applications mobiles de communication, mais les six présentes au centre du schéma sont les plus représentatives.
Outre ces trois plateformes sociales et ces six applications mobiles dominantes, les médias sociaux forment un vaste écosystème de services et applications mobiles que l’on peut classer en fonction de leur usage :
- La publication avec les plateformes de blog (WordPress, Blogger, Live Journal, TypePad, Over-Blog, Medium, Svbtle…), les wikis (Wikipedia, Wikia, Mahalo…) et les services intermédiaires comme Tumblr ;
- Les services de partage de photos, vidéos, musique… (Flickr, Pinterest, YouTube, Vimeo, Dailymotion, Spotify, Deezer, SoundCloud, MySpace, Slideshare, Delicious…), les applications mobiles (Instagram, Vine…) et les communautés verticales (Behance, TheFancy) ;
- La discussion avec les plateformes conversationnelles (Quora, Reddit, Github, Disqus, Skype, Sina Weibo, Tencent Weibo…) et les applications mobiles de communication (Facebook Messenger, BlackBerry Messenger, Kik, MessageMe, Telegram, Pheed, Viber, Nimbuzz, Hike…) ;
- Le réseautage avec les réseaux sociaux grand public (Tagged, Nextdoor…) et leurs équivalents asiatiques et russes (Qzone, VKontakte, RenRen, Mixi…), les services de rencontre (Badoo, OKcupid…), les applications de rencontre (Tinder, Skout), et les réseaux sociaux BtoB (LinkedIn, Viadeo, Xing).
Comme vous pouvez le constater, la liste est longue, et les repositionnements sont nombreux (Bebo vient par exemple de renaitre sous la forme d’une série d’applications mobiles). Comme précisé plus haut, il y a la partie visible de l’iceberg (ces applications et services), et la partie immergée (les grands groupes qui investissent et rachètent). Le japonais Rakuten a ainsi pris des participations dans Pinterest et Kik Messenger, le français Webedia a racheté Overblog, le russe DST (propriétaire de Mail.ru) a investi dans Facebook, Twitter, Zynga, Groupon, Spotify, AirBnB… Il est très compliqué d’arriver à cartographier les différentes prises de participation, mais sachez qu’il y a un marché gris très actif et que les mondes des médias, des technologies et des services en ligne sont liés entre eux.
Comment s’y retrouver ?
Il me faudrait bien plus qu’un article pour vous expliquer en détail le fonctionnement de l’écosystème des médias sociaux, d’ailleurs c’est pour cela que je me suis lancé dans la rédaction d’un livre (Social Business, comment définir une stratégie viable pour votre marque sur les médias sociaux). Il y a néanmoins quelques conseils que je peux vous donner :
- Ne vous précipitez pas. Les médias sociaux sont vastes et complexes à appréhender. La pire des choses à faire est de chercher à rattraper votre retard et de mandater une agence quelconque pour ouvrir différents comptes et commencer à les alimenter. Comme le dit le proverbe : “On est jamais mieux servi que par sois-même“. C’est valable également pour les médias sociaux : ne faites pas l’erreur de confier votre vitrine la plus visible à des stagiaires d’une agence, prenez le temps d’apprendre et faites-le vous même.
- Fixez les bons objectifs. Je sais qu’il est tentant de vouloir recruter le plus grand nombre de fans et followers possibles, mais c’est un chantier périlleux qui va vous demander beaucoup de ressources et d’énergie. Tout ça pour quoi ? Pour avoir le droit de payer chaque fois que vous souhaitez partager un message avec vos “fans” ? Facebook est de loin la plateforme sociale la plus populaire, mais si l’on est mal préparé, ça peut être un véritable piège qui va engloutir toutes vos ressources. Il convient donc de ne pas chercher à avoir plus de fans que Lady Gaga (un combat perdu d’avance), mais à privilégier les conversations et interactions sociales de qualité.
- Privilégiez la qualité du contenu. Pour pouvoir sortir du lot, il faut savoir intéresser les membres et raconter de belles histoires. Ces dernières années, les marques se sont lancées dans une course folle pour accumuler le plus de fans le plus rapidement possibles. Elles ont donc pris des raccourcis dangereux pour y parvenir, chose que je vous déconseille formellement, car la communauté n’est pas dupe, elle sait discerner les faux discours. Le plus simple est de rester fidèle à vos valeurs et d’investir dans des contenus qui vont vous permettre de constituer une audience à votre taille, avec des thèmes sur lesquels vous êtes légitimes. Ne vous y trompez pas, c’est un travail de longue haleine, mais un véritable investissement pour l’avenir de votre marque.
- Ne soyez pas intimidé. Les récentes statistiques d’usages des médias sociaux ont de quoi impressionner, mais souvenez-vous que ce sont avant tout des médias de proximité (géographique, thématique, émotionnelle…). Si vous savez communiquer avec un client, alors vous saurez vous débrouiller sur les médias sociaux. Même si le rythme d’innovation s’accélère (applications mobiles, réalité virtuelle…), établissez un plan d’action et suivez les étapes dans l’ordre logique sans vous laisser perturber par les gros titres de la presse.
J’arrête là les conseils, car un article ne suffira pas à vous donner toutes les clés. N’hésitez pas à fouiller dans les archives de ce blog, vous y trouverez des articles très intéressants sur des sujets précis. Je vous laisse maintenant le temps de bien étudier ce panorama 2014, et n’oubliez pas de bien respecter les conditions de partage de la licence Creative Commons.
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